L’histoire de ma mélanine.
Je suis malgache côtière du Nord et ai la peau noire. Pas ébène mais noire.
Depuis petite, mon entourage a souvent mis en avant la couleur de ma peau.
On me considérait comme étant très/trop foncée et je me percevais négativement.
Certaines personnes me comparaient à Suraya Bonali la patineuse artistique originaire des Comores, ou à une somalienne. Je détestais ça.
Ayant perçu je ne sais comment le côté péjoratif de ma couleur de peau et de la texture de mes cheveux, mes traits négroïdes pas assez fins.
Petite, j’ai rêvé d’avoir des pouvoirs magiques pour changer mon apparence: une peau légèrement plus claire, un nez plus fin mieux dessiné, de longs cheveux bouclés ou ayant une texture plus “malléable”.
Néanmoins durant l’adolescence j’ai été bénie en ayant une peau sans acné. C’était la seule chose que j’appréciais. Car j’ai hérité de vergetures dès mes 13 ans. Les zébrures claires qui contrastaient tellement avec ma mélanine. J’étais la seule à avoir cette particularité et ai longtemps complexé. Quel comble d’avoir l’opportunité d’aller si souvent à la piscine ou à la mer et ne pas avoir la peau nette et lisse sur les cuisses. Comment se cacher sous aussi peu de tissu qu’un maillot de bain. Sur une carnation plus claire le contraste n’est pas aussi flagrant.
A partir de la fin du collège-début lycée j’ai commencé à ne plus y penser. Les premières amourettes aidant, notre confiance en ressort boostée car on plait. Je suis belle et cela n’a rien à voir avec ma carnation.
Arrivée en métropole (comme le disent les ultra-marins), je me suis encore plus aperçue de ma noirceur, et ai rencontré le racisme ordinaire.
Les canons de beauté ne me représentaient pas ni en terme de carnation de peau ni en terme de texture de cheveux. Au moins je n’avais plus à porter de maillots de bains et pouvais dissimuler ma robe tigrée.
Je devais réapprendre à définir mon corps dans un environnement où je représente encore aujourd’hui une minorité.
Mes semblables se faisant rares, pas de matriarches pour orner de tresses ma crinière cotonneuse comme nous le faisions tous les dimanches.
La pollution, l’environnement, le calcaire, le changement d’hémisphère a eu raison de ma peau: pellicules à foison sur le cuir chevelu, des boutons à répétition sur les joues, le menton et les taches d’hyperpigmentation qui s’en suivent. J’en arrivais à vouloir être plus claire ou plus foncée. Cela me semblait plus simple ainsi.
Ensuite j’ai appris et compris que ma mélanine était une force et non une faiblesse.
Elle me protège du soleil, me permet de mieux supporter les rayons qui réchauffent si délicieusement ma peau. Elle ne rougit pas en trahissant la moindre émotion. Elle est un avantage de taille face à mes semblables caucasiens.
Elle est différente et a besoin de soins spécifiquement désignés pour elle.
Elle fait partie de moi. Elle représente ma lignée, l’histoire de mes ancêtres, de mon peuple.
Je porte sur moi la preuve de mon appartenance au plus grand continent.
Il suffit d’un regard pour que nous puissions nous identifier mes semblables et moi.
Quand bien même nous ne venons pas de la même région, ne parlons pas la même langue, il y a un sens d’unité et de reconnaissance entre nous.
La représentation dans les médias joue un rôle non négligeable dans cette acceptation de soi. Youtube et l’accès aux vidéos de jeunes afro-américaines a été une grande aide dans cette recherche de représentation et d’acceptation de soi.
Encore maintenant, je trouve que les anglophones sont plus présents dans certains médias non européens. Il ont une voix qui ‘existe que trop peu en Europe et en France. C’est mon opinion. Il y a certainement plus de français noirs sur les réseaux mais ce sont les anglophones qui ont creusé la voie et continuent à le faire.
Avec le temps j’ai appris et compris ce qui me va et me fait me sentir bien dans ma peau. Littéralement.
Aujourd’hui je l’aime d’un amour passionné. Encore plus lorsque viennent les beaux jours. J’attends impatiemment de l’exposer au soleil. Raviver ma mélanine.
Ma peau se porte tellement mieux en été qu’en hiver. Encore une fois, je suis une fille du soleil et ma peau en témoigne.
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